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Affaire Kerviel : tout savoir sur l’homme derrière le scandale !

Transcription

On a parfois tendance à l’oublier à cause de l’automatisation et la numérisation des échanges monétaires, boursiers ou bancaires, mais les hommes qui se trouvent au cœur des marchés ou au sein de grandes sociétés peuvent être bien plus importants qu’on ne le croit. C’est le cas du personnage qui nous intéresse aujourd’hui. Il a été au centre de l’un des plus grands scandales de l’histoire des banques françaises. Il est celui qui a mis en péril la Société générale, une banque historique créée en 1864. Rien que ça. Nous parlons bien sûr de Jérôme Kerviel. Accusé et même condamné pour avoir fait perdre plusieurs milliards de dollars à son entreprise, il a marqué les esprits et les marchés de son empreinte. Nous vous proposons de revenir sur l’affaire qui a défrayé la chronique en 2008, et sur le feuilleton judiciaire qui l’entoure. Cet événement demeure cependant controversé. Nous ne nous intéresserons donc qu’aux faits, sans prendre parti. C’est parti !

Très tôt chez ce singulier personnage, et tout au long de ses études, s’est distinguée une appétence particulière pour l’économie, la finance et ses disciplines…

Un as des opérations de marché

Jérôme Kerviel nait à Pont-l’Abbé le 11 janvier 1977 dans le Finistère en Bretagne. Sa mère tient un salon de coiffure. Son père est d’abord artisan forgeron, puis maître dans un centre d’apprentissage professionnel de chaudronnerie. Il franchit les premières étapes de ses études au collège-lycée Laënnec et obtient en 1995 son BAC ES. Par la suite, il devient multi diplômé. Il suit d’abord un DEUG en sciences économiques au Pôle Pierre-Jakez Hélias de Quimper où il se passionne pour les chiffres. Il passe ensuite une maîtrise à l’IUP banque et finances de l’université de Nantes avant d’obtenir en 2000 un master management des opérations de marché à l’université Lyon 2.
Étant donc plutôt doué dans les domaines qui sont liés à l’économie ou la finance, il est rapidement recruté en août 2000 (presque immédiatement à la fin de ses études) par la Société Générale. Il commence sa carrière au sein de la division banque d’investissement et de financement mais passe ensuite au « front office » du prestigieux Desk DEAI (Dérivés Actions Indices). Il est alors chargé de l’arbitrage sur des contrats à terme portant sur des indices boursiers.

C’est seulement deux ans après cette prise de poste que l’opérateur de marché prend des positions de plusieurs dizaines de milliards d’euros en contournant l’ensemble des règles de contrôle, qu’il connaît déjà mieux que personne…

L’affaire Kerviel

Le trader ne tarde effectivement pas à marquer l’histoire de la finance française. Le 24 janvier 2008, c’est le choc. La Société générale annonce une perte colossale sur les marchés : 4,9 milliards d’euros. Le responsable de ce drame n’est autre que Jérôme Kerviel. Il est en tout cas directement accusé. A cette époque, Daniel Bouton (PDG de l’entreprise) ne mâche pas ses mots pour qualifier son employé. Il fait de lui un « escroc, un fraudeur, un terroriste ».
Mais qu’a bien pu faire Jérôme Kerviel ? Et bien depuis sa prise de poste en 2005, il aurait engagé frauduleusement jusqu’à 50 milliards d’euros sur les marchés financiers. C’est plus que le total des fonds propres de la Société générale. Ce type de risques, que certains pourraient qualifier d’inconsidéré, porte d’abord ses fruits. Il réussit à faire jusqu’à plus d’un milliard d’euros de bénéfices en 2007. Mais il connaît ensuite une série de revers qui l’empêchent de rattraper ses pertes. C’est cette mauvaise série qui a mis la puce à l’oreille de ses supérieurs.

Jérôme Kerviel prend de trop grands risques, qui ne seront pas sans conséquences…

À deux doigts de la catastrophe

En quelques jours, la banque est contrainte de vendre pour 60 milliards d’euros d’options. Les conséquences sont dramatiques alors qu’elle subit en même temps les débuts de la crise des « subprimes ». Sans oublier que le 4 juillet 2008, la Commission bancaire inflige un blâme et une amende de 4 millions d’euros à la banque pour des « carences graves du système de contrôle interne ». L’Etat français intervient cependant en accordant à la Société Générale une importante déduction fiscale. Elle tente ensuite de reconstituer ses fonds propres mais surtout de retrouver la confiance de ses clients. Et ce n’est pas une mince affaire…
La banque ne passe pas loin de la catastrophe en cette année 2008. Le PDG Daniel Bouton reconnaît que sa société a eu un peu de chance dans son malheur. « Si une guerre avait éclaté lundi ou si les marchés avaient chuté de 30 %, la société risquait le pire avec une telle exposition. »

Un tel événement, de telles opérations et de telles conséquences ne pouvaient bien sûr pas éviter de se poursuivre sur les bancs des tribunaux…

Un feuilleton judiciaire encore en cours

Dès 2008, la Société générale demande des comptes à son ex-employé. Elle dépose notamment plainte pour « faux en écriture de banque, usage de faux et atteinte au système de traitement automatisé des données ». Jérôme Kerviel est mis en examen pour « tentative d’escroquerie », « faux et usage de faux », « abus de confiance » et « introduction dans un système informatisé de traitement automatisé de données informatiques ». Le parquet demande son placement en détention provisoire, ce qui fut le cas pendant 2 mois. L’enquête indique cependant que l’ex trader n’avait pas cherché à s’enrichir personnellement.
Le 5 octobre 2010, Jérôme Kerviel est tout de même condamné pour ces chefs d’accusation. Il écope alors de cinq ans de prison, dont deux ans de sursis. Il doit aussi rembourser les 4,9 milliards d’euros de pertes à la Société générale. Jérôme Kerviel tente bien de faire appel, mais le jugement est confirmé en 2012. Mais ce n’est pas fini, bien des années après les faits, le feuilleton judiciaire continue. Il est de nouveau condamné en septembre 2016 au civil mais cette fois à verser seulement 1 million d’euros de dommages et intérêts à son ancien employeur.
Ce montant qui semble dérisoire s’explique par le fait que la cour d’appel de Versailles ne l’a jugé que « partiellement responsable » des pertes de la banque. Dans une conférence en 2019, Jérôme Kerviel confie : « Aujourd’hui, dès que je touche un euro, c’est à la Société générale qu’il revient ».
A l’heure actuelle, la somme à régler n’est toujours pas versée en totalité. L’ancien employeur du trader ne compte visiblement pas lui faire le moindre cadeau. D’autant plus que la Société générale avait été ironiquement condamnée le 7 juin 2016 à verser 450 000 euros à Jérôme Kerviel pour l’avoir licencié sans « cause réelle ni sérieuse ». Un comble.

Mais au-delà des faits, Jérôme Kerviel en tant qu’homme, a su intriguer le grand public…

Un personnage unique

C’est sans doute la personnalité et le tempérament atypiques de l’ancien trader français qui donnent une aura toute particulière à l’affaire Jérôme Kerviel. Comme l’ont révélé les multiples enquêtes le concernant, le natif de Pont-l’Abbé n’a pas cherché à s’enrichir dans cette histoire. Malgré sa condamnation, l’homme ne fait pas de prison. Il doit notamment vivre plusieurs années avec un bracelet électronique.
C’est après cet épisode de sa vie qu’il décide de se détacher du monde de la finance et de la banque. Il est notamment parti le 19 février 2014 à la rencontre du pape François au Vatican, avant d’entamer une marche entre Rome et Paris.
Son image est celle d’un personnage ambivalent et surprenant. Jérôme Kerviel cherche en effet un peu plus de discrétion et d’apaisement, qu’il a trouvé auprès de sa femme et son jeune enfant né en 2019. Mais il continue de donner des conférences bénévoles, qui sont souvent l’occasion pour lui de se laisser aller à des confessions. Par exemple le 17 octobre 2019 : « J’ai eu le pétard dans la bouche une première fois et la corde au cou une seconde fois. Je reconnais mes fautes mais je refuse de payer pour un système financier devenu fou. »

En résumé

L’affaire Jérôme Kerviel a montré que presque n’importe quelle personne peut déstabiliser ou endommager le rouage minutieux de cette grande machinerie qu’est la bourse. Elle montre également qu’il n’y a pas besoin de regarder dans d’autres pays pour assister à ces histoires étonnantes. C’est enfin une illustration de la démesure et des opérations de l’ombre qui existent au sein des marchés financiers.

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