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John Rusnak, le « trader fou » de Baltimore

Parmi la liste des traders les plus controversés de l’Histoire se trouve le nom de John Rusnak. Ce courtier, au terme d’un cercle vicieux de mensonges et dissimulations, a fait perdre plusieurs centaines de millions de dollars à sa société.

L’histoire du trader John Rusnak est tout autant fascinante qu’ahurissante. Celui-ci a fait perdre entre 691 et 750 millions de dollars à sa société, Allfirst Financial Inc, filiale américaine de l’Allied Irish Banks (AIB). A savoir, le numéro un des établissements financiers irlandais. Nous revenons en détails sur l’un des cas de fraude bancaire les plus importants jamais enregistrés.

Les mensonges de John Rusnak

Les faits reprochés à John Rusnak, un courtier en devises expérimenté de 37 ans, semblent incompréhensibles. Voici comment cet homme a fini par être surnommé le « trader fou ». Les faits se sont produits à la fin du XXe siècle, au sein du petit département des changes de la banque de Baltimore, là où travaille alors John Rusnak. Entre 1997 et 2001, il a perdu 691 millions de dollars dans le cadre de ses fonctions. Engagé dans les années 1990 pour travailler sur les devises étrangères au sein de Allfirst Financial Inc., sa limite de trading était alors de 2,5 millions de dollars. Mais en réalité, Rusnak prenait des positions secrètes qui représentaient une somme globale de 7,5 milliards de dollars, soit 3000 fois la limite autorisée. Pendant des mois, le courtier a accumulé des positions sur le marché des changes en pariant sur la variation des monnaies, notamment la parité dollar-yen, sans se couvrir par des opérations d’arbitrage comme il est de rigueur. D’après le procureur chargé de l’affaire, il est ensuite tombé dans un cercle vicieux, prenant des positions de plus en plus risquées pour tenter de compenser ses erreurs. C’est ce qui a engendré ce trou énorme dans les finances de la banque.

« Une fois confronté à ces pertes, mon attitude, mon ego et ma mentalité de l’époque m’ont dit : ‘’Je peux revenir. Je suis assez intelligent, j’ai les ressources et j’ai des gens autour de moi, donc je vais simplement trader plus et essayer de me refaire’’ », a ainsi expliqué l’ancien courtier plusieurs années après. Il paraît alors incompréhensible que la célèbre banque américaine n’ait rien vu pendant cinq ans. En effet, le scandale n’a éclaté qu’en 2002. John Rusnak a tout simplement masqué un à un chacun de ses échecs. Il a enregistré des opérations fictives pour les cacher. Il a couvert frauduleusement ses pertes par des opérations financières fictives attestées par de faux documents. Tout le monde n’y a vu que du feu. Pendant un temps du moins.

John Rusnak au cœur d’un scandale mondial

Evidemment, cela ne pouvait pas durer éternellement. Allfirst Financial Inc. et l’Allied Irish Banks finissent par découvrir en 2002 que John Rusnak est l’homme derrière toutes ces pertes. Mais la maison mère dublinoise a mis très longtemps avant de mettre en lumière les malversations de son trader, et de comprendre l’ampleur de ses dissimulations. « Les sonnettes d’alarme se sont mises à sonner il y a quelques semaines et nous avons immédiatement ouvert une enquête. Les actions du cambiste sont extrêmement complexes et il nous a fallu du temps pour dénouer l’écheveau », expliquait à l’époque, Michael Buckley, directeur général de l’AIB.

Mais contrairement à la plupart des détournements financiers de grande envergure, John Rusnak, payé 85 000 dollars l’année (soit 98 357 euros), n’a pas cherché à s’enrichir. Il était simplement prisonnier d’un gigantesque effet boule de neige économique dont il ne pouvait plus s’extraire. Le courtier, marié, pieux, père de deux enfants et membre d’un conseil scolaire, s’est donc rendu de lui-même au FBI le jeudi 7 février 2002. Le scandale est tel, l’ampleur des pertes si grande, que l’affaire inspire même cette phrase à Nick Leeson, le courtier qui avait mis la banque d’affaires britannique Barings en faillite en 1995 : « Aucune leçon n’a été tirée de mon cas. »

John Rusnak face aux conséquences de ses erreurs

De telles pertes n’ont bien sûr pas été sans conséquences dramatiques. À la suite du scandale, AIB a vendu Allfirst à M&T Bank en juillet 2003. Plus de 1 100 employés d’Allfirst ont perdu leur emploi lors de la vente, soit environ un cinquième des effectifs. Difficile cependant de savoir si l’affaire John Rusnak est l’élément déclencheur de la fusion entre Allfirst et M&T Bank. Certains experts avancent que la fusion était inévitable avant même de découvrir les pertes de Rusnak. Ce dernier l’affirme également : « Ces emplois allaient être perdus d’une manière ou d’une autre. »

Finalement, en février 2003, la justice américaine condamne John Rusnak à sept ans de prison. L’ex-courtier en devises s’en sort plutôt bien, car il encourait jusqu’à 30 ans d’emprisonnement. Il a réussi à diminuer cette peine au terme de rudes négociations avec le procureur. Il est également condamné à rembourser l’intégralité de la somme qu’il a perdu à son entreprise. Mais progressivement, cette autre sanction évoluera elle aussi. Rusnak doit rembourser à AIB le plus d’argent possible, mais en fonction de ce qu’il sera capable de gagner à sa sortie de prison. Au bout du compte, le trader est libéré en juillet 2008. Sa peine a été réduite de 25 mois pour bonne conduite. En prison, il a participé à un programme d’éducation sur la drogue et l’alcool. Une fois sorti, John Rusnak doit finalement payer 1 000 dollars chaque mois pour rembourser sa colossale dette.

Au total, le natif de Philadelphie est passé par sept prisons : dans le New Jersey, en Virginie, en Virginie-Occidentale et dans l’Ohio. Dans les différents centres pénitentiaires dans lesquels il est passé, il a toujours été très populaire. « Un gars qui a commis un crime en col blanc est comme une célébrité en prison principalement parce que les gens veulent comprendre comment ils peuvent commettre ce crime une fois libres », a déclaré avec humour l’ancien trader. 

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La rédemption de John Rusnak

Après avoir purgé sa peine, à 49 ans, John Rusnak s’est éloigné pour de bon des marchés financiers. Il s’est reconverti dans plusieurs voies. La première est assez ironique, puisqu’il travaille dès 2011 dans une blanchisserie de Baltimore, ZIPS, et finit même par en gérer quatre. Il a aujourd’hui la responsabilité de 60 employés, dont beaucoup sont des toxicomanes en réinsertion ou des criminels repentis.

Mais ce n’est pas tout. Depuis son retour à la société, Rusnak est devenu un défenseur des secondes chances pour les hommes qui sortent de prison, mais aussi pour les anciens toxicomanes et alcooliques. Rusnak est actuellement directeur exécutif de unCUFFED, une entreprise travaillant avec les mineurs incarcérés dans des centres de détention pour adultes. La mission de cette société est de donner une seconde chance à toutes ces personnes. L’Américain essaie de soutenir les gens en difficulté, de les accompagner, en les aidant à déclarer leurs impôts ou à récupérer leurs permis de conduire. L’ancien courtier essaye donc de se racheter auprès de la société, à défaut de pouvoir réellement rembourser sa dette colossale.

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